Droit dans le mur
PRÈVE-EN-SION, JANVIER 2016
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Fabrice gare son véhicule devant la chambre d'agriculture départementale. Une réunion y est organisée sur les difficultés des agriculteurs de son secteur. « Encore un coup pour rien », ne peut-il s'empêcher de penser. La dernière réunion du même genre s'était en effet soldée par un statu quo sur la façon d'aborder la question, et d'harmoniser le relais des informations. Et pourtant, le besoin se fait de plus en plus sentir sur le terrain.
Non seulement chez les éleveurs de porcs, mais aussi les laitiers et les quelques céréaliers dont ceux qui ont misé sur le maïs grain. Le technico-commercial de 35 ans est las, comme maint de ses collègues. Combien de fois ils entendent, « pour toi la vie est belle, tu as un salaire à la fin du mois ». Fabrice a beau essayer d'expliquer que la santé de son entreprise dépend aussi de la santé de ses clients agriculteurs, ces derniers ont du mal à l'entendre.
De retour au siège de son entreprise, il est interpellé par son manager de proximité, Franck. « Une réunion de crise est prévue pour traiter le cas du Gaec Le Petit Pont avec la chambre, les banques et le conseiller de gestion. Les principaux fournisseurs doivent y participer aussi. Je voudrais que tu m'accompagnes comme tu suis Jacques et ses deux associés. »
Une semaine après, Fabrice se retrouve à nouveau devant la chambre d'agriculture pressentant qu'il n'en sortira pas plus satisfait que la dernière fois. Il salue le coeur serré les trois agriculteurs, ressentant leur lassitude et leur gêne aussi. Car il sait que leur fierté en prend un coup. Et lors de son dernier passage sur leur exploitation, durant lequel ils avaient épluché les postes où ils pouvaient gagner quelques euros sur leurs productions végétales, il avait lu l'inquiétude dans les regards.
« J'ai l'impression d'avoir assisté à une exécution. Leur demander de fermer tout leur atelier lait alors qu'ils ont fait un super-travail ces cinq dernières années, c'est dur à entendre. » Tout en conduisant, Franck hoche de la tête en réponse aux propos de Fabrice qui ajoute : « C'est dommage que cette réunion n'ait pas eu lieu avant que leurs difficultés de paiement ne se manifestent. Ils auraient pu éviter sans doute d'aller dans le mur. »
Hélène Laurandel
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